Le jeudi 13 novembre à partir de 18h30, le CRAC Alsace a la joie de vous inviter au vernissage de l’exposition Inspiraling de Katja Mater, Clare Noonan, Jessica Gysel, Marnie Slater, Robin Brettar et Matilda Çobanli, avec MYCKET, Ot Lemmens, Sophy Naess, Judith Geerts, Nienke Fransen, Christine de Pizan, Rosalind Nashashibi et Anne Reijniers & Eline De Clercq , sur un commissariat de Sarah Menu, Sandrine Desmoulin, Elsa Vettier, Richard Neyroud et Maria Claudia Gamboa. À cette occasion, une navette gratuite partira de Bâle à 18h depuis Meret Oppenheim Strasse. Retour pour Bâle au départ du centre d’art à 22h. Réservation: s.menu@cracalsace.com.
 

VERDIGRIS GREEN, BLEU CLAIR, JAUNE ORANGÉ, LILAS, BLEU SOMBRE*

«Le solstice d’été est arrivé, et avec lui, des femmes venues de partout. Nous avons chanté, mangé, fumé et dansé, nous avons marché dans les bois, nous avons regardé les étoiles et nous nous sommes enlacées.»**

Artistes, éditeur·ices et enseignant·es à l’origine de plusieurs projets collectifs***, Robin Brettar, Matilda Çobanli, Jessica Gysel, Katja Mater, Clare Noonan et Marnie Slater célèbrent les amours et les amitiés queer qu'iels envisagent comme une constellation de possibles. Animé par le désir de vivre en communauté, le groupe a acquis en 2022 un immeuble à Molenbeek (Bruxelles) pour en faire un lieu de vie et de travail partagé. En 2024, à l’occasion de l’exposition L’amitié : ce tremble organisée par le CRAC Alsace et le Crédac, iels ont conçu À l’Amitié, un portail pour l’entrée du jardin du CRAC. Cette grille qui relie le centre d’art à leur bâtiment est devenue le point de départ de l’exposition Inspiraling.

À l’été 2025, nous nous sommes rendu·es au 15 rue Heyvaert à Molenbeek. Robin, Matilda, Jessica, Katja, Clare et Marnie nous attendaient pour rêver d’Inspiraling autour d’un repas et nous faire visiter le bâtiment en cours de transformation. En passant d’un étage à l’autre, se révélait une architecture qui, au-delà d'être fonctionnelle, était avant tout relationnelle: un espace de création et de circulation des affects.

Nous nous sommes attablé·es pour dîner. Sous nos assiettes, des chutes de tissu bleu conservaient la trace d’objets et de noms. Il s’agissait d’essais pour ce qui deviendrait de grandes toiles-cyanotypes où fruits, verres de vin et rubans impriment sur un bleu profond la mémoire d’un repas festif entre allié·es.

Ces images bleutées sous les yeux, nous avons évoqué la création d’autres œuvres, liées à l’histoire de la construction de cet édifice–communauté: une boule de papier mâché composée des comptes-rendus de toutes leurs réunions de travail ou une guirlande faite des innombrables clés de l’immeuble. Et bien sûr, les grilles jaunes aux lignes sinueuses, qui, après leur présentation au CRAC, rejoindraient définitivement chacun des étages de l’immeuble bruxellois: trois nouveaux portails «à l’amitié».

Puis, chacun·e a évoqué sa pratique respective. Marnie développait ses recherches dans les archives de Claude Cahun et Marcel Moore à Jersey****, Robin travaillait à des tissages, Matilda à des pièces chorégraphiques, Katja poursuivait sa pratique de l’image-langage, Jessica éditait des entretiens réalisés auprès d’autres communautés queer et Clare imaginait faire flotter un cinquième drapeau sur Inspiraling.

À mesure que la conversation avançait, de nouveaux noms s’ajoutaient à ce projet guidé par une énergie débordante. L’exposition pourrait accueillir le château gonflable du collectif MYCKET, les vitraux de Nienke Fransen, les pièces textiles de Sophy Naess et d'Ot Lemmens, compagnon·nes de route du groupe. Judith Geerts ouvrirait l’atelier pédagogique du CRAC pour rendre visible ce lieu de transmission. Quant aux films de Rosalind Nashashibi et d’Anne Reijniers & Eline De Clercq, ils évoqueraient le jardin comme laboratoire de relations humaines. Ainsi, le public, après avoir spiralé dans les salles du CRAC, finirait au milieu du jardin, devant un édifice dédié aux plantes.

Juste avant le dessert, l’attention s’est portée sur les cuillères. L’artiste René Heyvaert (dont le nom est aussi celui de la rue où vit le groupe) avait pris l’habitude d’en envoyer à ses ami·es par la poste, un mot attaché au manche. Et si l’exposition dédiait une salle entière aux cuillères confiées par les proches des artistes?

Scotchée au mur, une enluminure du manuscrit de La Cité des dames (1407-1409) veillait. Elle nous est apparue comme l’allégorie du collectif dans lequel Robin, Matilda, Jessica, Katja, Clare et Marnie déploient leur énergie. Illustrant l’œuvre de Christine de Pizan, première autrice à vivre de son écriture en Occident, l’enluminure montre plusieurs femmes bâtissant une «Cité nouvelle et éternelle». Avec le «mortier résistant et incorruptible» offert par Dame Raison, Christine édifie une forteresse pour les nouvelles citadines, artistes, saintes et guerrières. Par la parole et l’action, elles font naître un monde nouveau.

Aux gestes bâtisseurs de Christine de Pizan s’ajoute la joie de vivre ensemble. Pour le groupe, porter des briques, mélanger le mortier ou manier la truelle se mêle au plaisir de cuisiner entre ami·es et de prendre soin de soi et des autres. Inspiraling célèbre cette force collective entrelaçant extérieur et intérieur, haut et bas, dans un mouvement spiralé dont l’élan s’étend à l’infini: «comme la coquille de l’escargot, l’amitié s’accroît d’un nouveau cercle chaque année.»*****

Pendant la durée de l’exposition, le numéro 15 (rue Heyvaert, Bruxelles) étreint le 18 (rue du Château, Altkirch).

—L’équipe du CRAC Alsace, octobre 2025.

* Couleurs choisies pour la façade et l’intérieur du bâtiment que le groupe rénove ensemble.
** Woman’s Carpentry Book: Building Your Home from the Ground Up, NY, Anchor Press/Doubleday, 1980.
*** Parmi ces initiatives communes figurent le collectif d’artistes All the Cunning Stunts, le magazine Girls Like Us, ainsi que le bar trans et lesbien itinérant Mothers & Daughters, basé à Bruxelles.
**** Claude Cahun (1894-1954) et Marcel Moore (1892-1972) sont un couple d’artistes ayant participé à la Résistance et dont l’œuvre constitue une contribution queer et féministe majeure.
***** Natalie Clifford Barney, Les Nouvelles pensées de l’Amazone, Paris, Mercure de France, 1939.

L’exposition reçoit le soutien du Flanders State of the Art, de l’ambassade du Royaume des Pays-Bas en France et de SPIN.