En juillet 2022, résidence de production de Beatriz Santiago Muñoz.

Cet été, le CRAC Alsace accueille l’artiste Beatriz Santiago Muñoz en résidence pour réaliser une nouvelle partie de son film librement inspiré des Guérillères* de Monique Wittig.

Publié en 1969, Wittig en commence l’écriture en 1967, avant Mai 68, dans le contexte des luttes décoloniales et des mouvements de libération des femmes. S’appropriant les canons littéraires, elle agence ici un grand poème épique décrivant une marche mythique et colorée renversant, en mode guérilla, le patriarcat et le langage qui l’assoit. C’est la guerre des pronoms: apparaît Elles, entité collective, personnage principal qui se livre à un combat sanglant contre le régime patriarcal. Le livre est divisé en trois parties, séparées de cercles, tandis qu’un poème, composé notamment d’une liste de prénoms, court le long du récit toutes les cinq pages. La dernière partie est celle que Wittig écrit en premier, celle où Elles gagnent, et où, armées jusqu’aux dents, Elles mettent une rouste à ce régime. Puis «Elles disent, si je m’approprie le monde, que ce soit pour m’en déposséder aussitôt, que ce soit pour créer des rapports nouveaux entre moi et le monde.» Les deux premières parties se situent après la dernière partie, après la chute du patriarcat, dans le futur donc, celui où nulle classe ne prend le pouvoir sur une autre. Un futur où on invente et on décontamine le langage. Un futur où on crée de nouvelles ontologies.

Sans constituer une trame narrative, ce livre est pour Beatriz Santiago Muñoz un outil pour explorer les forces transformatrice du langage dans un processus de décatégorisation des corps et des relations. En s'inspirant également des méthodes d’Augusto Boal et du Théâtre de l’opprimé, l’artiste engage un travail performatif avec un groupe d'actrices qui intègre la caméra en tant qu’entité active. Initiée à Puerto Rico en 2017, une première version de ce film a été présentée en 2020 au CRAC Alsace au sein de l’exposition Le couteau sans lame et dépourvu de manche. Cette résidence permet à Beatriz de poursuivre ce projet sur les terres natales de Monique Wittig, née à Dannemarie, à quelques kilomètres du centre d’art.

Avec la participation de Nelly Catheland, Neckar Doll, Mélanie Knopf, Camille Moulin, Sopi N'guia et Agathe Nguyen-Duy.

* Monique Wittig, Les Guérillères, Paris, Les Éditions de Minuit, 1969.

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