Du 23 juin au 23 juillet 2020, Part Two: The moon nearly at the full. The team horse goes astray (2019), un film de Rosalind Nashashibi, avec la participation d'Elena Narbutaitė, accessible en ligne dans le cadre du programme Windows (18 rue du Château).

The moon nearly at the full. The team horse goes astray, c’est la suite d’un seul et même projet initié en 2017, un film qui se transformerait directement avec Rosalind Nashashibi et ses ami·e·s, ses proches qui figurent à l’écran, en dialogue avec un récit de science-fiction.

The team horse goes astray, c’est la réponse aux conversations entretenues par Elena et Rosalind durant la première partie. «Comment la vie peut-elle être façonnée, formée, questionnée? Jouée et être réelle», écrit Elena.(1)

C’est le moment où la perte de linéarité évoquée par la parole commence à se faire sentir sur les corps. C’est le cheval d’équipe qui s’égare, la mission qui tourne peut-être à l’échec tout en gardant les yeux vers l’avant, vers un horizon, vers la neige qui va tomber.

Avant ma naissance
Le lilas était en fleurs

[Vous le connaissez?]
Et à ma mort
Il s’épanouira comme jadis
Au soleil comme au vent
Les pétales s’envoleront
S’éparpilleront comme du sable
En recouvrant mon cœur.

Ce poème énoncé dans le film est écrit par la poète lituanienne Salomėja Nėris. Lorsque je prends contact avec Elena pour lui proposer cet échange avec Rosalind, il y a cette coïncidence, elle recherchait les mots exacts de ce poème et notre proposition arrivait naturellement dans la continuité de ses pensées. Le relisant, je pense à une œuvre d'Elena dans l'exposition Between Ears, New Colours: Sun, un laser réalisé avec la complicité de scientifiques projetant un faisceau invisible qui au contact d'un mur se propage en un point solaire. Mes yeux perçoivent une brume, une matière lumineuse faite de points indistincts, une surface neigeuse: "Snow is coming". Cet état de latence dans le film de Rosalind s'approche de l'état dans lequel je me trouve lorsque j'observe le laser d'Elena.

À la fin du film, le soleil couché, la caméra de Rosalind suit lentement la ligne d’horizon qui scinde l'écran en deux. Penser l’horizon m’amène souvent à certaines peintures que j'ai pu découvrir en Bretagne (2), présentées parfois verticalement ces toiles apparaissent dès lors comme des portes, des interstices qui sollicitent les possibilités de plonger notre regard, nos pensées dans ce trait, ce pli.

Le film de Rosalind nous fait basculer vers différentes atmosphères à la fois intimes (intérieur) et fictives (extérieur), il se situe dans cette ligne, ce trait, qui ne renvoie pas à une perspective mais un milieu où, nos lieux, nos passés, nos futurs se rencontrent et s’imaginent, the horizon, so beautiful.

Antoine Aupetit, Richard Neyroud & Thomas Patier

(1) Courriel du 16 juin 2020: «How life can be crafted, shaped, questioned? Played and be real».
(2) Référence à Geneviève Asse (née à Vannes, France, 1923):
https://awarewomenartists.com/artiste/genevieve-asse/