À partir de mai 2021, résidence de production de Jorge Satorre, en vue de son exposition personnelle au CRAC Alsace en 2021.

Artiste basé à Mexico City, Jorge Satorre sera en résidence au centre d’art où il produira une série d’installations in situ. L’exposition sera accompagnée d’un nouveau livre conçu par Charles Mazé & Coline Sunier et publié par ABCDEFGHIJKLMNOPQRSTUVWXYZ et le CRAC Alsace.

«La plupart des œuvres présentées dans cette exposition seront conçues sur place, répondant intuitivement aux caractéristiques de l’espace et de son environnement. Le cœur de cette exposition consiste à relier l’intérieur du bâtiment, tant physiquement que conceptuellement, au jardin situé à l’arrière.

L’idée de cette exposition vient du livre de dessins sur lequel je travaille actuellement, inspiré par El Acero de Madrid (L’acier de Madrid), une comédie écrite par Lope de Vega en 1608. Je vais réaliser plusieurs reliefs et sculptures dans le jardin du CRAC Alsace, en creusant des moules à même la terre afin de reproduire en négatif certaines des formes qui apparaissent dans les vingt-deux dessins de mon livre, puis en coulant du béton dans ces trous. À la différence de mes projets habituels, où mes recherches se basent directement sur les aspects historiques ou culturels du contexte qui les génère, cette exposition cherche ici à répondre aux conditions physiques du contexte d’exposition.

El Acero de Madrid est une pièce de théâtre qui raconte la coutume spécifique, populaire parmi les femmes de la haute société madrilène du XVIIe siècle, qui consistait à se promener dans les bois pour boire de l’eau riche en fer provenant de sources. Cette pratique était recommandée pour contrer les effets néfastes de la consommation de búcaros (petits vases en céramique). On croyait à l’époque que les búcaros—qui provenaient généralement de l’Estrémadure en Espagne, d’Estremoz au Portugal et de Tonalá au Mexique—avaient des effets embellissants et contraceptifs. La société espagnole du Siècle d’Or donna rapidement une connotation érotique à cette pratique consistant à «prendre et promener de l’acier», comme on appelait ce remède, laissant entendre que ces promenades servaient à consommer des amours furtifs.

L’eau enrichie en fer ou en acier faisait aussi partie d’une pratique que j’ai rencontrée dans certaines forges où les résidus de métal résultant de l’affûtage des outils sont utilisés pour imprégner l’eau de propriétés curatives. Alors que les prétendues propriétés d’embellissement des búcaros provenaient de l’engobe utilisé pour les décorer, l’énergie que le corps avait perdue était compensée par la force que l’outil avait accumulé sur son tranchant, représentant l’histoire du travail.

Les sculptures s’appuieront sur les détails de plusieurs postures d’un couple que j’ai observé dans le bois de Chapultepec à Mexico, où les rencontres amoureuses sont fréquentes. Ce couple est représenté dans les dessins qui composent le livre susmentionné, dessins qui seront présentés avec les sculptures. Les obstacles techniques liés à la réalisation de moulages—en utilisant comme moules des trous dans le sol et en imaginant les formes en négatif—donneront lieu à des formes presque abstraites, même si mes dessins figuratifs en sont la source principale. Ces moulages seront à la fois des sculptures et des reliefs qui seront montrés dans l’ensemble des espaces du CRAC Alsace

—Jorge Satorre, septembre 2020.

jorgesatorre.info