Du 23 septembre au 30 décembre 2007, Les rives du Pédiluve, double exposition avec Julien Berthier & Stéphane Thidet, et une project room avec Judy Van Luyk, sur un commissariat de Sophie Kaplan.

L’ensemble des œuvres rassemblées dans l’exposition de Julien Berthier et Stéphane Thidet au CRAC Alsace compose un paysage singulier : celui qu’on trouverait sans doute, une fois parvenu aux abords des rives du Pédiluve.

Marchant sur les chemins qui mènent au Pédiluve, on découvre d’abord une étrange nacelle, au sommet de laquelle se balance un palmier.
C’est une horloge tout aussi étrange qui nous accueille ensuite à l’entrée du centre. Et l’on passe alors dans un autre temps.
On continue: depuis le couloir du rez-de-chaussée, on aperçoit dans deux salles des lumières qui vacillent. L’une semble s’être emballée. L’autre oscille entre coma et éblouissement.
On continue: dans un pré, à l’étage, une fête se termine avec une extrême lenteur.
On continue: au loin, une tente lunaire repose sur le rivage, à l’ombre d’un rocher.
Et bien d’autres choses encore.
Même le rayon vert, en noir et blanc, vu de face.

C’est toute une géographie qui se dessine ici, à la fois familière et lointaine.

Les rives du Pédiluve sont donc un voyage.
Un temps s’y déroule, presque toujours décalé.

Dans les œuvres exposées, il devient matière, il est modelé.
Il s’étire, il s’accélère et finit par presque dessiner une boucle.

À l’intérieur de ce «paysage d’événements»*, construit par chacune des pièces autant que par leur réunion, l’objet, toujours énigmatique, à la fois ce qu’il est et autre chose, occupe une place centrale.
Hybrides, les objets de Julien Berthier et Stéphane Thidet sont détournés de leur usage et de leur état d’origine. De ce point de vue, Chapelle, œuvre à mi-chemin entre objet réel et ovni, réalisée à quatre mains, est emblématique. Il s’agit d’une piscine creusée dans le plafond de l’une des salles du centre. Ce geste simple transforme l’architecture existante en chapelle d’un bleu profond, qui fait écho au fond des fresques de la chapelle Sixtine autant qu’aux interventions minimales de James Turell. Modifiant l’espace, elle semble vérifier l’assertion de Georges Perec: «au fond, une pièce est un espace plutôt malléable»**.

 

* François Piron, Le script invisible, revue Trouble n°3, 2003.
** Georges Perec, Espèces d’Espaces, édition Galilée, 1977
.