Du 14 octobre 2018 au 31 mars 2019, Water Your Garden In The Morning, exposition personnelle d'Edit Oderbolz, sur un commissariat d'Elfi Turpin.

Water Your Garden In The Morning a longtemps été un titre de travail, c’est-à-dire un titre donnant une orientation intuitive, si ce n’est une méthodologie qu’Edit Oderbolz a utilisée pour penser et façonner cette exposition. Il faut donc l’imaginer commencer chaque journée par arroser son jardin, par faire ce geste domestique, de soin et d’observation qui permet de réveiller les idées, d’examiner leur croissance, de les voir fleurir et s’entrelacer, d’écarter celles qui ne prennent pas, de celles qui respireront au CRAC Alsace, pendant les cinq mois d’exposition qui viennent. Et dans ce jardin voisinent des idées, des préoccupations, des œuvres et des artistes qu’Edit Oderbolz partage avec le lieu qu’elle est en train d’investirdes idées, des préoccupations, des œuvres, des artistes issus de différentes époques et régions du monde, mais qui cohabitent bien là, dans un jardin de rêve.

Cohabiter avec Edit Oderbolz conduit souvent à questionner l’habitat. Ce mot même habitat, qui désigne au début du 18e siècle en botanique le milieu occupé par une plante à l’état naturel, puis celui adapté à la vie d’une espèce animale ou végétale, ne recouvre l’environnement bâti relatif à la vie de l’homme qu’au 20e siècle. Ce n’est que dans l’entre-deux-guerres que le terme s’étend aux conditions de l’habitation humaine, qui renvoyait jusqu’alors au «fait d’habiter», c’est-à-dire à une action plutôt qu’à une architecture. Le monde végétal et animal sort donc du mot quand l’architecture moderne y entre. Et c’est peut-être à cet endroit critique qu’Edit Oderbolz opère. À l’endroit où l’architecture sépare les classes, les races, les genres; à l’endroit où l’architecture normalise, organise et hiérarchise la vie entre le jour et la nuit, l’homme et la femme, l’adulte et l’enfant, l’intérieur et l’extérieur, le privé et le public, et où, a contrario, certains corps résistent et l’affectent, l’architecture.

Aussi Edit Oderbolz s’intéresse-t-elle moins à des formes modernes d’habitats qu’aux expériences de ces espaces, qu’à des façons de les appréhender, de les performer et de les subvertirautant d’expériences spatiales alternatives qui se superposent dans un jardin de rêve où s’entrelacent des projets de Flávio de Carvalho1, des gestes vernaculaires, les récits de jardinage de Derek Jarman2, le squelette brutaliste d’un immeuble collectif londonien ou encore un escargotdévidoir de scotch.

Elfi Turpin, septembre 2018.

1 Avec la participation d'🐌Armando Andrade Tudela 🐌.
2 Modern Nature: The Journals of Derek Jarman, Arrow, 1992.

Water Your Garden In The Morning a reçu le soutien de Pro HelvetiaFondation suisse pour la culture et du Kunstkredit Basel-Stadt.